Prince

Il a vingt ans (mais fait croire qu’il en a 18…) lorsqu’il enregistre son premier album chez la Warner. Il a déjà une solide expérience studio, et va enregistrer son premier album seul. Producteur, compositeur, interprète… Il fait tout et avec talent. Aujourd’hui, For You, le premier album de Prince sonne un peu daté, ce qui est essentiellement lié à des défauts de production et de sonorités d’instruments typique de l’époque. Prince n’est pas encore tout à fait Prince. Pourtant, il y a des choses vraiments inétressantes dans ce premier album, « In love », « Soft and wet », et quelques autres titres.



Le second album « Prince », sort un an plus tard et s’évère déjà plus intéressant. Le son y est nettement plus funk et contient quelques merveilles absolues. Comment ne pas avoir envie de bouger son boule sur des titres comme « I wanna be your lover », l’excellent « Why you wanna treat me so bad ? » ou « I feel for you », son premier succès commercial véritable. L’album contient aussi quelques balades « guimauves » typiques de l’univers Princier, avec un côté kitch totalement assumé et qui n’est pas sans posséder un certain charme.



« Dirty Mind » peut être considéré comme le premier album marquant de Prince. Il trouve le son si particulier de sa rythmique, qu’il va affirmer et perfectionner tout au long des années 80. Personne ne sonnera comme Prince, et il ne sonnera comme personne d’autre. « Dirty Mind » possède un son plus froid, plus sombre, et s’il parle toujours autant d’amour, de sexe et de Dieu, il adopte un ton plus grave, plus ancré dans la réalité. Ceci dit, si Prince est un génie absolu concernant la musique, il reste un auteur sans autre prétention que celle de faire bouger son corps tout en parlant de lui, de cul… en tout cas pour le moment. Ce disque est moins accessible que le précédent, mais il est l’un des sommets de la première période. Et quelqu’un qui parvient à écrire un titre aussi efficace, dansant et intelligent que « Where you were mine » force forcément le respect.



« Controversy » est la suite logique de « Dirty Mind ». Un peu trop d’ailleurs. Il sort une copie plus ou moins conforme, mais forcément moins passionnante. Si le morceau titre est absolument brillant, le reste de l’album ressemble trop à son prédécesseur pour être vraiment intéressant. Néanmoins, il n’est pas à négliger, ne serait-ce que pour « Controversy » second carton Princier.



C’est avec « 1999 » que Prince va mettre tout le monde d’accord. Premier album où il maîtrise entièrement son sujet de bout en bout, cet album va être le premier d’une série d’albums sans la moindre faute de goût. Il n’est plus tout à fait seul, il est en galante compagnie, sur « 1999 » par exemple, et s’il continue à enregistrer la plupart des instruments seuls (il est aussi bon bassiste, batteur, pianiste que guitariste…), il possède maintenant un groupe (nomma the Revolution) qui envoie sévère sur scène. « 1999 », c’est l’album où Prince va mettre au point ce son si particulier fait d’une batterie couplée à une boîte à rythme, avec une rythmique funky et des mélodies pop absolument imparables. Du génie à l’état pur. Impossible de faire une sélection dans cet album parfait de bout en bout. « Little red Corvette » sera un succès énorme, et que dire de « Lady Cab Driver, ultra sexuel avec ses râles féminins, ces bruits qu’on suppose venir d’un lit, ce phrasé Hip-hop à l’époque où le genre émergeait à peine, et ses solos de guitare qui parviennent à rappeler Jimi Hendrix dans le Monde de Parliament et de Funkadelic. C’est énorme. Indispensable.



Vient ensuite la consécration. « Purple Rain ». Le film (mauvais) rencontrera un énorme succès, mais le disque lui, placera Prince au rang mondial des artistes qui comptent. « Purple Rain » n’est pas le meilleur album de Prince, mais j’ai 9 ans lorsqu’il sort, et pour moi, c’est la claque. Enorme. D’abord le 45 tours, « Purple Rain » que tout le monde connaît, puis l’album, sidérant. Rien à jeter. Dès l’intro, « Let’s go crazy » qui mêle Funk, Soul, rock, pop sur un final bluesy énorme, et toujours ce son de guitare qu’on ne connaissait plus depuis hendrix. Je n’égrène pas tous les titres, mais pour faire court, le bouleversant « When Doves Cry » vaut à lui tout seul la possession de ce disque. A partir de là, je vais suivre Prince pas à pas pendant près d’une décennie. Indispensable.



1985, c’est le difficile « Around the World in a day » qui voit le jour. Sans doute le disque le moins commercial du nabot de Minéapolis. Si « Raspberry Beret » lui ouvre les portes du succès, il faut bien avouer que les autres titres sont moins simples à aborder. Il quitte parfois le funk, la pop ou le rock pour se aux sonorités parfois indiennes. Ceci dit, si les chansons sont moins évidentes, elles n’en restent pas moins excellentes, et font de ce disque un must incompris dans la carrière de Prince. Indispensable.



« Parade » ensuite, et son « Kiss » ravageur. Inutile de revenir sur ce single ultra connu, mais le reste de l’album est lui, moins évident. B.O. d’un film aussi inutile que le précédent, « Under the Cherry Moon », le disque est tout bonnement phénoménal. Un de mes trois préférés. Les chansons s’enchaînent presque toutes, formant un ensemble homogène, parfois dansant, « New Position » est un funk minimaliste fabuleux, parfois débordant de vitalité et d’idées, « Life can be so nice » et sa fin en capharnaüm… C’est également un album plus difficile à aborder qu’un « Purple Rain » mais qui, à chaque écoute, me laisse pantois d’admiration. Tant de facilités évidentes à marier toutes les influences et à trousser du prêt à siffler sous la douche sans pour autant se donner à la cause commerciale, c’est sidérant. Indispensable, évidemment.



« Sign’ O The times » est le summum, l’Everest, le gros morceau. Double album gargantuesque, il enquille les tubes et les morceaux de bravoure, mais aussi, sort des sonorités habituelles. Dès le morceau titre qui sert d’intro, on sent qu’il se passe un truc. Et c’est vrai. Il joue avec les batteries, les boîtes à rythmes, frôle le jazz (putain de solo de sax sur le brûlant « Hot Thing « ), se la joue ballade au piano, se réinvente littéralement sur le progressive « the Cross », se surpasse, se surpasse, se surpasse… Ce disque est dément à tout point de vue. Rien ou presque à jeter, efficace (Ce refrain sur « U got the look » qui vous colle à la peau en une seule écoute…), et profondément original, « if I was your Girlfriend » et sa rythmique improbable… Indispensable.



« Lovesexy » ou l’annonce du déclin. J’aime beaucoup ce disque. J’ai 14 ans à l’époque, et « Alphabet Street » tourne en boucle, mais avec le recul, il faut bien reconnaître que ce disque est nettement moins réussi que les précédents. Pourtant, on y croise encore de belles choses. « Dance On » et sa rythmique saccadée ou le très émouvant « Anastasia ». Mais pour la première fois, Prince n’est plus en avance sur son temps. Il s’est fait rattrapé. Il va très vite se faire dépasser.

La suite est donc moins brillante et ses disques vont devenir totalement dispensables à partir de l’immonde B.O. de Batman.




Et puis, un jour, j’écoute le nouvel album (je continue à écouter systématiquement tous ses disques, au moins une fois…) « The rainbow Children » et là, Pan ! Il joue avec un vrai groupe, et ça groove velu. Influences jazz, ou Funk, si le disque pêche un peu par sa longueur, il n’en reste pas moins qu’il contient des morceaux fantastique, comme à la grande époque, le titre éponyme, ultra jazzy (à l’ancienne, avec du piano électrique à la Hancock et tout et tout…), mais aussi les funky « The work » « Family Name » et « The everlasting now », jusqu’au « Last Decembre » qui n’est pas sans rappeler « Purple Rain ». Bref, si l’album contient quelques morceaux faiblards, il contient surtout quelques titres vraiment excellents, et je conseille à tous ceux qui s’intéressent un peu à Prince de ne pas passer à côté. J’ai même cru à une résurrection, surtout que dans la foulée, il va sortir « N.E.W.S. » issu des mêmes sessions, avec les mêmes musiciens, qui se présentent sous la forme de quatre instrumentaux entre jazz, funk et fusion. Certes, on n’est pas dans le chef d’œuvre absolu, mais cela reste de très bonne facture et très intéressant. Malheureusement, mon enthousiasme sera de courte durée puisqu’après cette petite parenthèse, Prince retournera à sa soupe Rn’ b funk très vilaine qu’il nous sert au kilomètre depuis maintenant 20 ans….