Monsanto Years

- Le morceau dans son ensemble suit une progression musicale qui part d'un petit air sautillant innocent, anodin, pour s'achever avec des sonorités discordantes et distordues. La musique traduit l'inconsciente légèreté avec laquelle on s'engage dans une démarche infernale dont on découvrira trop tard le piège, sans pouvoir s'en extraire. La progression est imperceptible, donnant l'impression que tout continue, normalement et sans heurts, pourtant elle est bien là, avec la sensation de malaise qu'elle renvoie .A la fin, tout se détraque, la vie, ses bases fondamentales et la musique aussi.
(NB: On reconnaîtra le petit gimmick de War Song , repris dans ce morceau. Ce n'est pas un hasard)

- Les voix du chœur sont impressionnantes: lancinantes, répétitives, elles hypnotisent, elles s'insinuent dans notre esprit comme une menace implacable, mais d'apparence anodine. Monsanto est partout, à chaque fin de vers, à chaque extrémité de sillon, dans chaque tête de gondole, comme une ombre lugubre. Il scande sécurisé, car nul ne doit se méfier de lui. Il nous présente son meilleur profil, la séduction du diable par voie de merchandising et de packaging. C'est exactement la méthode lobbyiste qui est ici retranscrite en deux simples mots, elle s'impose à tous, à travers la pub, les médias, les achats, les réglementations, partout tout le temps. Banalisée, invisible, elle fait partie des meubles, on ne l'entend plus, et elle nous conditionne sans nous heurter, et nul ne songe à lui résister.

- En regard, la voix de Neil est fluette, fragile, presque suppliante par moments. Il a su mettre ici ses capacités vocales diminuées au service du message : l'homme seul et faible face au géant implacable, la voix fragile qui décrit ce qui arrive et qu'on perçoit à peine tandis que l'ensemble du chœur jeune et grave s'impose. La voix isolée impuissante, le chœur légions.

- Le chant est lent, sans aucun relief ici. C'est une marche régulière, pas à pas, inexorable. Une rythmique douce qui nous entraîne vers une fatalité, sans aucun heurts qui puisse provoquer de réaction. Mais une marche funèbre.

- Le texte est un vrai chef d'oeuvre d'habileté. Les mots sont à la fois simples et précis, comme la situation. Il suit lui aussi la progression tragique de la musique: Partant d'une description hyperréaliste d'un quotidien banal éternel : les semailles,  pour en arriver aux conséquences dont l'enjeu remet en question le principe fondamental même de la Vie. La semence, le germe de toute vie sur cette planète, le don de la vie offert par la nature, ou Dieu ( Neil respecte les croyances de chacun) non plus sacrée mais aux mains d'un industriel manipulateur et avide qui répand la destruction et la mort.  Les termes évoquant la menace et l'enfer sont omniprésents.

          Neil fait très, très fort, car il parvient à exprimer plus clairement, par ces images et ces sons, que par un long discourt explicite, combien Monsanto est diabolique . Pourtant, je met Monsanto au défi de trouver une seule ligne qui pourrait justifier un procès en diffamation et l'interdiction de la chanson. Monsanto sait y faire, mais Neil encore d'avantage. Après avoir entendu Monsanto Years, nul n'en ressort indemne. Cette chanson dérange, bouleverse notre esprit endormi, provoque une prise de conscience. C'est du très grand art, un chef d'oeuvre dont peu de musiciens sont capables.
Monsanto est un géant, mais Neil Young en est un autre.
Le bien et le mal s'affrontent ici dans un combat de titans éternel dont l'enjeu est l'avenir de la vie sur cette planète. Nous sommes aux premières loges, pour ne pas dire en première ligne. Et sincèrement, j'en tremble.

Il a des yeux sur le cul Neil, pour ça les patchworks, les trous ... c'est des fenêtres. C'est pas un humain. Pour ça que tu ne le vois jamais à poil, comme David Lee Roth, ou Iggy Pop, ou mon fils qui aime exposer son berlingot dans le salon.