Sonic Youth

Imaginez donc... Après Dirty et Goo, Sonic Youth est considéré comme un groupe commercial qui sombre dans la starification... Impossible? Et pourtant. Déjà que leur passage chez Geffen a été vécu par certains comme une trahison, mais voilà que maintenant, ils vendent des disques. Intolérable pour certains. Pour réagir, le groupe décide de sortir " Experimental Jet Set, Trash And No Star" au titre volontairement évocateur. Sauf qu'à la première écoute, on s'attendait à une avalanche de raffut, et voici le groupe qui fait preuve d'une finesse rarement atteinte jusqu'ici.

Dès l'intro, l'acoustique bancal "Winner's blues", on sent une volonté de se renouveler. Ce disque mal aimé m'a toujours beaucoup plu. D'abord parce qu'il est un prologue parfait à l'immense "Washing machine". On y retrouve toutes les méthodes de production de l'opus suivant, avec un pied dans les premières années. Les morceaux sont concis et efficaces, mais n'oublient pas de déraper. Pourtant, comme sur "Starfield Road", ils coupent l'herbe sous le pied de leurs délires soniques pour recentrer aussi sec. Album charnière (Skink est le parfait exemple de la chanson qui annonce l'album suivant... Lente montée lancinante sous une couverture d'accords atonaux.), et tout en retenue y compris dans ses moments les plus agressifs, il n'oublie pour autant pas d'être efficace et rock'n roll. "Screaming skull" et son tonneau de larsen possède une mélodie efficace et simple qui se retient dès la première écoute. Au total, 14 titres auxquels Lee Ronaldo ne participent pas en tant que chanteur, mais fait preuve d'un talent particulier pour tricoter des arrangements au bord de la falaise. "Self-obsessed and sexxee" aurait pu être taillé pour les radios si le guitariste un peu joueur ne s'appliquait à massacrer joyeusement le refrain à grands renforts de rythmiques déglinguées.

De plus, ce disque, définitivement à part dans leur discographie, multiplie les ambiances, comme sur cet entêtant "Bone" ou déboule une basse en boucle avant de ralentir la cadence sans prévenir, laissant le chant libre de la belle Kim.

Il n'y a pas de chansons exceptionnelles, il n'y a pas de Diamond Sea, de Schizophrenia, mais toutes les chansons sont bonnes, faisant finalement de ce disque l'un des plus homogène de leur carrière.

Enfin, il y a "Sweet shine", une belle chanson, toujours bancale bien sûr, mais étrangement lunaire, où Kim, une fois de plus aligne un contrechant extraordinaire... Elle a l'art de chanter incroyablement faux tout en collant parfaitement à la chanson. D'ailleurs, dans le groupe, elle chante souvent les titres les plus tordus du groupe.

Il s'agit d'un des rares disques de Sonic Youth qui sonne comme un disque de nuit, un de ceux qui m'accompagnent les nuits d'insomnie ou de soirées mélancoliques. Mon disques à moi de Sonic Youth, celui que je tiens à l'écart, dans le plus grand secret, pour que personne n'ait la même idée que moi.