Sonic Youth

Sorti de « Washing machine », le groupe laisse définitivement libre cours à ses divagations bruitistes. Ce qui n’est pas du tout du goût de Geffen qui compte plutôt sur des albums dans la veine de Dirty ou Goo qui ont été des succès commerciaux. Du coup, le groupe crée sa propre structure afin de sortir des albums plus expérimentaux sous le nom de SYN. Plus les disques vont avancer et plus ils verseront dans l’expérimental. Les deux premiers seront plus ou moins des chutes de studio de « A thousand Leaves ». On peut même retrouver certains passages dans les deux disques. Ils feront même paraître un double album, SYR 4, où ils reprendront quelques pièces de musiques contemporaines. C’est également à cette époque qu’ils nouent de sérieux liens avec un certain Jim O’Rourke, à l’époque très peu connu. Il va donc co-produire « A thousand Leaves » Ce disque est nettement plus obscur que Washing machine, pourtant pas simple d’accès. L’album débute sur un titre surprenant, « Contre le sexisme » ânonné par un Kim plus chancelante que jamais. Pas de mélodie, du larsen et des cordes tiraillées… Le plus étonnant sur ce disque, c’est la débauche d’effets utilisés, alors que jusqu’ici, ils étaient relativement parcimonieux avec ce genre de procédé. Autre fait étonnant, le titre « Sunday », en seconde position s’avère être l’un des titres les plus accessibles et pop du groupe. Un riff imparable, une mélodie splendide, un rythme entraînant, et même le break bruitiste du milieu ne parvient pas à casser la mécanique parfaite d’un morceau que l’on pourrait penser taillé pour les radios. La question que l’on peut se poser c’est : qu’est-ce qu’un titre comme celui-ci vient foutre là ? Car tout le reste de l’album est une lente descente orgasmique vers des terres cabossées. Malheureusement, certains titres sont trop étirés pour être efficaces et convaincants et les morceaux plus brefs manquent eux de ce quelque chose de mélodique qui faisait la splendeur des albums précédents. « Hits of sunshine » s’étale sur douze minutes et Thurston y joue avec son flanger, mais l’auditeur baille. Bref, Sonic Youth donne la sensation de se chercher, mais peine à se trouver.



« NYC Ghosts & Flowers » suit la même lignée. Mais demande encore plus d’exigence à l’auditeur. Ici, point de hit, point de chanson structurée. On expérimente à tout va, mais le groupe se répète (on a d’ailleurs parfois l’impression qu’ils sont en répèt’). Ce qui m’a toujours fasciné chez Sonic Youth, c’est sa capacité à prendre une bonne chanson, la massacrer peu à peu, pour retomber ensuite sur ses pattes. Or, là, les chansons sont massacrées dès le départ, et surtout ne mènent pas toujours quelque part. si « Renegade Princess » envoie méchamment l’auditeur dans le mur avec son rythme punk-rock, le reste de l’album bande mou. La présence de plus en plus importante de O’Rourke se fait ressentir dans certains titres où l’électronique fait son apparition, mais malheureusement, les compositions faiblardes ne parviennent jamais à accrocher et on s’ennuie de plus en plus. « NYC Ghosts & Flowers » qui donne son titre à l’album est une longue montée de 8 minutes qui se termine dans le chaos le plus total (pour l’avoir vu sur scène, croyez-moi, c’est impressionnant…) et reste le meilleur moment du disque (le seul bon moment ?). La crise de la cinquantaine approche et Sonic Youth ne sait plus vraiment comment se renouveler.



Alors Jim O’Rourke est intégré au groupe. Avec lui, c’est tout un pan de la musique contemporaine qui entre en jeu. Et j’avoue avoir beaucoup attendu de « Murray Street ». Sans doute trop. Dès le premier morceau, j’ai senti à l’époque que c’était l’album de trop. Les mélodies ne m’accrochent pas et surtout, c’est toujours mou. Pourtant, ils tentent encore de glisser leurs fameux dérapages soniques au milieu des titres, mais la sauce ne prend plus aussi bien qu’auparavant. Certes, les chansons sont meilleures que sur le précédent opus, mais j’ai parfois l’impression que le cœur n’y est pas. « Disconnection notice » par exemple me fait l’effet d’une bonne chanson qui ne serait pas jouée à la bonne vitesse. Elle sonne plate et sans énergie. Les deux titres suivants sont du même acabit, mais sont très longs, ce qui fait que cette impression s’éternise. Le paroxysme étant atteint avec « Karen revisited » qui semble avoir tout dit au bout de trois minutes alors qu’elle en dure 11. Les 8 minutes restantes ne sont que dérapages vaguement contrôlés de larsen et autres bidoulleries de toutes sortes, mais une fois de plus, cela ne sert plus à servir une chanson comme ils savaient si bien le faire à l’époque de Sister, de Daydream Nation ou de Washing Machine. Heureusement, l’excellent « Radical Adults Lick Godhead Style » et son saxo Free rehaussent (un peu) le niveau, pour un album terne et fatigué. L’album s’achève sur un titre mélancolique et bruyant de près de dix minutes qui donne tout de même à regretter la concision d’antan. Sonic Youth sortira enfin la tête de l’eau en revenant vers un format plus pop mais en ayant perdu cette énergie au passage. Ils vont, heureusement, en trouver un autre car après tout, ils ont tous plus de cinquante ans… Ces trois disques forment à mes yeux une trilogie bien à part dans leur carrière que je ne conseille qu’aux fondus dans mon genre… Les autres risquent de s’ennuyer ferme.